Mes FF me reconnaissent comme tel mais puis-je seul m'affirmer FM?

1 Septembre 2019 , Rédigé par Claudine A., Olivier M., Philippe A. Publié dans #Planches

Cette phrase rituelle, en réponse à la question « Êtes-vous franc-maçon ? » est commune à de très nombreuses obédiences. Cette réponse est quasi machinale. Mais, à y penser, elle est terrifiante au niveau de son implication.

A priori, à partir du moment où l’on a été initié, on serait en droit de s’affirmer FM puisque l’initiation traduit la reconnaissance (on est accepté et reconnu) par les autres. Il n’y a pas d’auto-proclamation. Mais cela n’est vrai sans aucune réserve qu’au moment qui suit juste l’initiation. Car par la suite il y a tout un chemin à parcourir qu’on ne peut suivre qu'avec l'aide des FF et des SS qui nous entourent.

On parle des épreuves lors de l'initiation mais il est vrai qu’il y a en fait toute une série d'épreuves qui jalonnent la vie du FM, ce qui évite de s'endormir même si il peut arriver que des FF, arrivés au grade de Maître, pensent qu'ils n'ont plus rien à prouver, ce qui est à la fois dommage et dangereux. Et il y a ceux qui dérivent totalement par rapport à nos fondamentaux  et qui peuvent, peut-être, on le verra, perdre la qualité de FM.

Certains peuvent s'autoproclamer grand-maîtres de ceci ou de cela (les micro-obédiences) mais auparavant ils ont toutefois  été initiés et donc été reconnus et proclamés F ou S.  C’est un autre débat. Mais, pour en revenir à l'initiation, rien ne peut se faire sans cette fameuse reconnaissance, signe et produit d'un travail collectif...

D’un travail collectif qui doit nous permettre d’exalter le meilleur en nous et de le partager. Car l'initiation est un peu  le résultat d'une reconnaissance "a priori", sur la base de ce que l’on est avant de recevoir la lumière. On en sort FM "a priori", soit mais il y a sans doute une preuve à donner de nos valeurs et de leur mise en pratique et ensuite on ne serait finalement FM que si les autres croient en nous et reconnaissent la compatibilité de nos valeurs... ce qui irait dans le sens d'une possibilité de perdre cette qualité de FM... initié ou pas... Donc l'initiation serait une condition nécessaire, mais pas suffisante, ce qui va de le sens de l'initiatique: une démarche sans fin en fait.

La question a été soulevée des FF et les SS des obédiences non reconnues. A priori, si ce que l'on sait de la qualité de leurs travaux et de leurs valeurs nous parait compatible, nous ne voyons pas pourquoi nous ne ferions pas crédit de fraternité... Nos obédiences respectives, même si elles ont leurs accords avec certaines autres et n'en reconnaissent pas d'autre, ne nous ont pas donné de consignes  pour nous interdire ces fraternités "hors limites"... ?

Une autre interrogation toutefois : cette question de la reconnaissance par les autres ne dessine-t-elle pas les limites de notre libre arbitre ? Ne menace-t-elle pas notre liberté absolue de conscience ? Y compris la liberté d’avoir conscience de soi, des ses capacités comme de ses limites et donc le droit que nous aurions de nous considérer comme FM quand bien même nous serions seuls ? Oui, sans doute,  mais cela impose de se laisser pénétrer par l’esprit des FF et de se remettre en question en permanence. L’idée ici c’est de se tromper de moins en moins souvent sur ce que l’on est, sur qui on est et vers où nous allons.

Le FM reçu, constitué et reconnu dispose de signes, mots et attouchements pour se faire reconnaitre. Mais ceux-ci ne suffisent pas non plus. Ils ne révèlent que l’initiation aux mystères du grade a bien été reçue mais il faut ensuite être reconnu pour notre manière d’être fraternel, pour notre pratique de l’écoute, de la tolérance, de la solidarité, de la pratique constante de l’introspection. La manière aussi de traverser les épreuves de la vie. Avec du recul, c’est se donner un bien grand pouvoir d’appréciation de la qualité de l’autre. Dois-je accepter la reconnaissance simplement parce qu’elle m’est offerte, quel mérite accorder à celui qui me reconnaitra. Reconnaitre c’est un peu juger, non ? Quelle responsabilité !!

Ceci montre toute la complexité de la démarche initiatique. « Mes frères me reconnaissent comme tel » amène à la question de l'altérité, de la reconnaissance de l'autre et de tout ce qui en découle (écoute, fraternité, tolérance, etc...). Bien sûr les épreuves de la vie mais aussi le plaisir de vivre, le plaisir de voir et de revoir ses FF et Quand on dit "reconnaître c'est un peu juger" c'est vrai mais il faut y mettre de l'indulgence, de la bienveillance, sans naïveté ou angélisme. On parle peu du bonheur d'être FM, et pourtant il est là .. et on ne se le dit sans doute pas assez.

Le bonheur (enfin ce qui pourrait s’y apparenter le plus) d’être FM est dans la dimension de groupe, d’un groupe de FF en humilité (nous savons que nous ne savons rien…). Nous sommes un peu un corail (une génération sert de support à la suivante et le tout grandit). Nous n’existons en tant que FM que parce que nous sommes connectés aux autres FM (la Chaine d’Union), au-delà même du phénomène de reconnaissance. Cela implique une fraternité effective. Et pourtant on ne choisis pas ses FF (enfin, une seule fois, quand on décide d’admettre aux épreuves de l‘initiation, ensuite le hasard du parcours décide) et il faut un immense travail sur soi mais aussi en directions des autres pour les reconnaitre. Après il faut bien admettre que notre tropisme pour l’autre peut être variable. Nous sommes capables d’asséner des « MTCF» à des FM dont nous n’arrivons pas ou plus à discerner les vraies valeurs ou dont nous n’apprécions le comportement…Nous continuons à le faire car nous ne savons pas si c’est notre perception qui est pervertie ou si le métal de l’autre est vraiment prépondérant. Alors, on accorde un « crédit », jusqu’à ce qu’une limite soit franchie. Et cela amène immédiatement à la notion de pardon, qui est la reconnaissance fraternelle de l’erreur, la sienne, ou celle de l’autre. Mais face à des FF au comportement indécent ou aux errances métalliques, ma liberté de ne pas les reconnaître, existe-t-elle? D’autres les reconnaitrons, et du coup ils possèdent deux statuts… comme le chat de Schrödinger, mort et vivant.

 

Car il faut bien évoquer les accidents de parcours, les errances ou déserrances qui pourraient remettre en question notre état de FM et qui se traduisent par la démission ou la radiation.

On est initié pour la vie. Un initié ne devrait plus recevoir d'autre appellation que mon Frère pour peu qu’il travaille sur le discernement et les serments qu'il a prêté.

Nous rencontrons d'ailleurs des FF et des SS qui ont quitté, la FM pour des raisons très variées mais qui se considèrent comme étant encore FM. Et, pour peu que nous les reconnaissions comme tels, ils ont raison. Les conversations que nous pouvons avoir avec eux sont bien souvent d’ordre maçonnique et nous avons toujours un pincement au cœur, une envie secrète de les revoir en Loge.

Bien souvent (en dehors des cas de maladie ou de mutation professionnelle), la démission est en réalité une main tendue, nous avons pratiquement tous connu cette envie, ce petit moment de découragement dans notre parcours de FM, et c'est ici qu'il faut toute l'écoute et la vigilance des FF, pour répondre a cette main tendue, et parfois quelques mots, des explications, un peu d'écoute permettent de raviver cette belle flamme de la Fraternité qui ne nous appartient pas mais que certains souhaitent confisquer.

Et puis, démissionne-t-on vraiment? " En effet initier pourrait signifier être mis sur le chemin, le chemin de la connaissance de soi même, chemin menant a l'amélioration progressive et surtout a l'élévation de son propre niveau de conscience, alors peut-on réellement démissionner de ce chemin-là?

La radiation ? Elle est prononcée soit pour raison administrative (défaut de capitations ou taux d'assiduité) soit pour des motifs plus graves : comportement indigne en opposition avec nos valeurs capitales.

Dans ce dernier cas, il est sans doute juste d’être plus sévère avec celui qui a frappé à la porte avec des objectifs affichés d’humanisme et qui détourne la fraternité à son profit ou simplement qui l’ignore ? Reconnaitre c’est sans doute connaitre, mais si celui qu’on apprend à connaitre est en réalité différent de ce qu’il prétend être… quelle échappatoire pour rétablir l’harmonie ? Car, pour citer Montaigne « C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble »

Il semble toutefois qu’une démission, et même une radiation, ne sont jamais définitives, c'est pour cela qu’il existe des cérémonies de réintégration,  car même un F radié peut toujours refaire une demande, et on peut imaginer qu'il puisse revenir transformé et nous permettre de le reconnaître à nouveau. Cette reconnaissance se mérite mais si c’est notre droit d’évaluer ce mérite, il est également de notre devoir de le faire avec toute la bienveillance et la tolérance dont nous sommes capables. Il y a malgré tout des cas où les limites de la tolérance globale de la loge ne permettront pas ce retour.

Synthétisons  un peu.  Les FF reconnaissent leur pair pour trois raisons : la première, capitale, c’est qu’il a  été initié, la seconde c’est qu’il possède des vertus d’ordre  moral, une certaine éthique, il recherche la Connaissance et sa valeur réside surtout dans sa bonne volonté et son sens de la solidarité, la troisième, c’est son assiduité en loge. La somme des trois est sans doute le socle de la Fraternité. « Plus que l’Amour de l’autre, la Fraternité est respect de l’homme. La Fraternité est d’essence Initiatique et avant tout métaphysique dans une spiritualité laïque, transmettant une méthode de recherche de la Vérité, hors les dogmes. Elle est un trait d’union entre les Initiés »

Au final, on n’est reconnu que pour ce que l’on est et que l’on peut lire dans le miroir qu’est l’autre. Encore, évidemment, faut-il que chacun puisse et ait envie de lire l’autre… Si le travail d’introspection est convenablement réalisé, sans doute savons donner une image plus vraie, plus facilement lisible, qui sera comprise. Et là peut naître cette terrible dépendance, cela a été dit par Guy Arcizet : on pourrait finir par ne vivre que par ces regards, et on pourrait mourir si le miroir disparaissait ou venait à se briser. Soyons certains que des démissionnaires sont passés par là.

Alors, on peut bien s’affirmer FM, par ce que l’on a été initié, parce qu’à un moment de notre vie nous avons fréquenté une loge (ou que nous la fréquentons toujours), mais sans la reconnaissance de l’autre, on pourrait bien ne mentir qu’à soi même.

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